L’Europe face au vertige : Ce que révèle le sondage Cluster 17 pour Le Grand Continent sur la peur de la guerre

Rédigé le 05/12/2025
Mario Brisebois


Il y a encore cinq ans, l'hypothèse d'un conflit armé direct entre l'Union Européenne et la Russie relevait, pour le grand public, de la politique-fiction ou du scénario de jeu vidéo. Aujourd'hui, elle s'installe durablement dans les esprits comme une possibilité tangible. C'est le constat glaçant que dresse le dernier sondage exclusif de l'institut Cluster 17 réalisé pour la revue Le Grand Continent.

Cette étude agit comme un électrochoc : elle cartographie la fin de « l'insouciance européenne ».

La fin du déni collectif

Le chiffre clé de cette enquête est sans appel : une majorité significative d'Européens (et les taux explosent en Europe centrale et orientale) considère désormais une confrontation militaire avec Moscou non plus comme « improbable », mais comme « plausible » à moyen terme.

Ce basculement psychologique marque une rupture historique. Pendant des décennies, l'Europe s'est construite sur la promesse de la paix perpétuelle, déléguant sa sécurité aux États-Unis et se concentrant sur le commerce. Le sondage montre que le « doux commerce » ne rassure plus. Les citoyens ont intégré la violence du monde. Les images du front ukrainien, couplées aux récentes intimidations hybrides (cyberattaques, survols de drones, sabotage), ont fini par percer la bulle de confort occidental.

Une Europe fracturée mais lucide

L'analyse fine des données de Cluster 17 révèle cependant des nuances géographiques instructives qui dessinent deux Europe face à la peur :

  1. L'Europe du "Front" : En Pologne, dans les pays Baltes et désormais en Scandinavie, l'inquiétude est existentielle. La guerre n'est pas une peur abstraite, c'est une menace physique immédiate.
  2. L'Europe de l'Ouest (France, Allemagne, Italie) : L'inquiétude y progresse de façon spectaculaire, mais elle se teinte d'une forme de fatalisme économique et social. On craint la guerre autant pour ses ravages humains que pour l'effondrement du niveau de vie qu'elle impliquerait.

La dissonance cognitive des sociétés démocratiques

L'enseignement le plus cruel du sondage réside peut-être dans le paradoxe qu'il met en lumière. Si les Européens sont conscients de la menace, sont-ils prêts à en payer le prix ?

L'étude pointe une forme de dissonance cognitive : une anxiété élevée face à la Russie, mais une réticence qui demeure forte quant aux sacrifices nécessaires pour s'y préparer (augmentation massive des budgets militaires au détriment du social, retour d'une forme de conscription ou de service civique défense).

Conclusion : Un mandat pour le réarmement ?

Pour les dirigeants européens, ce sondage est une arme à double tranchant. D'un côté, il valide le tournant du « réarmement moral et matériel » opéré par de nombreuses chancelleries. La menace est perçue, donc la dépense militaire devient justifiée.

De l'autre, il révèle une société à fleur de peau, angoissée, où la peur de la guerre pourrait nourrir deux réactions opposées : un sursaut d'unité patriotique européenne, ou, à l'inverse, une tentation de repli nationaliste et de « paix à tout prix ».

Ce que nous dit Cluster 17 et Le Grand Continent cette semaine, c'est que la bataille ne se joue pas seulement sur les lignes de front, mais dans la résilience psychologique de 450 millions d'Européens. Et pour l'instant, l'Europe retient son souffle.


QuébecSurvie.com

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