Québec 2035 : Quand le climat redéfinit la sécurité nationale

Rédigé le 20/10/2025
Mario Brisebois


Pendant des décennies, lorsque l'on parlait de « sécurité » au Canada, on imaginait des frontières, des militaires ou des taux de criminalité. D'ici 2035, cette définition aura complètement muté. Pour le Québec, la principale menace à la sécurité de l'État et des citoyens ne viendra pas d'une puissance étrangère, mais du ciel, des forêts et des rivières.

Les événements récents — de la saison des feux historiques de 2023 aux inondations à répétition, en passant par les vestiges d'ouragans — ont agi comme un électrochoc. Ils ont exposé la fragilité de notre « sécurité civile », ce parent pauvre des politiques publiques qui devra pourtant devenir la priorité absolue de la prochaine décennie.

La fin de l'improvisation

Les rapports du consortium Ouranos sur la climatologie régionale sont sans équivoque : le Québec entre dans une ère de volatilité extrême. D'ici 2035, ce que nous appelions des catastrophes « centenaires » deviendra la norme décennale.

Le premier défi de sécurité est opérationnel. Le modèle actuel, qui repose largement sur le bénévolat, l'entraide municipale et l'intervention de dernier recours de l'Armée canadienne, est à bout de souffle. Comme l'ont souligné plusieurs analystes lors des crises récentes, l'armée n'est pas conçue pour être une force de protection civile permanente. Le Québec devra impérativement se doter d'une véritable force d'intervention professionnelle, capable de mener une guerre sur deux fronts : les brasiers du Nord et les crues du Sud.

La sécurité énergétique : le colosse aux pieds d'argile

L'autre volet critique de notre sécurité d'ici 2035 concerne notre colonne vertébrale économique : Hydro-Québec. Longtemps perçue comme une source inépuisable de revenus, la société d'État est désormais une infrastructure de sécurité critique sous pression.

Les pannes massives lors du verglas ou de tempêtes violentes ne sont plus de simples désagréments ; dans une société qui vise l'électrification totale (transports, chauffage, industries), une panne devient une paralysie systémique. La fiabilité du réseau électrique deviendra un enjeu de sécurité publique majeur. Sécuriser le réseau contre les événements climatiques extrêmes coûtera des milliards, et le refus d'investir placerait le Québec dans une position de vulnérabilité inédite.

Le courage du repli stratégique

Enfin, le défi le plus douloureux sera celui de l'occupation du territoire. La sécurité des populations passera inévitablement par des décisions impopulaires. Des études en urbanisme et en assurances démontrent que certaines zones habitées deviennent "inassurables".

L'État québécois ne pourra pas indéfiniment reconstruire les mêmes sous-sols inondés ni protéger des hameaux isolés au cœur de forêts devenues des poudrières. D'ici 2035, la carte du Québec devra être redessinée. La « sécurité » signifiera parfois le « retrait ». Ce concept de « retraite dirigée », encore tabou politiquement, devra être abordé avec lucidité.

Conclusion

Le Québec de 2035 ne sera pas nécessairement plus pauvre, mais il devra être plus résilient. La lutte contre les changements climatiques ne se résume plus seulement à réduire nos gaz à effet de serre (l'atténuation), mais à survivre à ce qui est déjà enclenché (l'adaptation).

Nous avons passé trente ans à débattre de la prévention. Les dix prochaines années seront celles de la gestion de crise. Si le gouvernement ne place pas la sécurité climatique au même niveau d'importance que la santé ou l'éducation, c'est la réalité qui se chargera de nous rappeler, brutalement, notre impréparation.


QuébecSurvie.com

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