Il y a dans la rhétorique du Kremlin une mécanique bien huilée, répétitive, presque hypnotique. Dans sa récente sortie médiatique, Vladimir Poutine nous en offre une nouvelle démonstration éclatante. « S'ils veulent la guerre, ils l'auront », lance-t-il à l'adresse des Européens, avant d'ajouter dans un même souffle que la Russie préférerait la paix.
Cette séquence résume à elle seule le paradoxe stratégique dans lequel Moscou tente d'enfermer le Vieux Continent : brandir l'épouvantail d'un conflit généralisé d'une main, tout en tendant une branche d'olivier – lestée de conditions inacceptables – de l'autre.
L’inversion des responsabilités
Ce qui frappe d'abord dans les propos rapportés, c'est l'inversion accusatoire, devenue la signature diplomatique de la Russie moderne. En affirmant être « prêt » si l'Europe « veut » la guerre, le président russe tente de réécrire l'histoire immédiate. Il place l'Europe dans la posture de l'agresseur potentiel et la Russie dans celle de la forteresse assiégée contrainte à la défense.
C'est une manœuvre habile destinée à faire oublier l'origine du désordre actuel : l'invasion d'un état souverain, l'Ukraine, par la Russie. En déplaçant le curseur de la culpabilité, Vladimir Poutine ne s'adresse pas seulement à ses généraux, mais aux opinions publiques occidentales. Il joue sur la peur légitime des populations européennes de voir le conflit déborder, insinuant que c'est l'intransigeance de leurs propres dirigeants, et non l'appétit territorial russe, qui nous mène au bord du gouffre.
Une guerre psychologique
Au-delà des mots, c'est une guerre des nerfs. Lorsque Poutine fustige le manque de « prévisibilité » des politiciens européens actuels, il tente de creuser un fossé entre les gouvernants et les gouvernés. Il parie sur la fatigue des sociétés démocratiques, sur l'inflation, et sur la peur de l'escalade pour briser l'unité du soutien à Kiev.
Dire « nous sommes prêts », c'est forcer l'Europe à se regarder dans le miroir et à se demander : le sommes-nous vraiment ? La réponse est douloureuse, car elle implique des réarmements coûteux et une transformation des économies que l'Union Européenne peine encore à matérialiser pleinement.
Le piège du "pacifisme" imposé
Il ne faut cependant pas s'y tromper : la « paix » évoquée par Vladimir Poutine n'est pas un retour au statu quo ante. C'est une paix armée, une reconnaissance implicite des conquêtes par la force et une nouvelle architecture de sécurité où l'Europe accepterait de vivre sous la menace permanente de son voisin de l'Est.
Face à ce chantage au chaos, la pire réponse serait la panique ou la division. Si Vladimir Poutine hausse le ton, c'est peut-être moins un signe de force absolue qu'un aveu que le temps ne joue plus nécessairement en sa faveur si l'Europe reste soudée. La rhétorique du « tout ou rien » est souvent l'arme de celui qui veut figer le jeu avant que le rapport de force ne s'inverse.
À l'Europe désormais de ne pas « vouloir la guerre », certes, mais de démontrer qu'elle ne craint pas assez la menace pour sacrifier ses principes et la liberté de son allié ukrainien. Car l'Histoire a appris aux Européens, souvent à leurs dépens, que céder au chantage d'un autocrate n'évite pas la guerre ; cela ne fait que la retarder pour mieux la subir.
Source TF1 Info: La Russie est "prête" si l'Europe veut la "guerre", prévient Poutine
Soyez prêt à l'imprévisible